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Brexit : Juncker et May annoncent de nouvelles discussions pour sortir de l’impasse

Brexit : Juncker et May annoncent de nouvelles discussions pour sortir de l’impasse

A Londres, le Parti travailliste a fait un geste d’ouverture, esquissant un possible compromis avec la première ministre Theresa May.

« Je le dis clairement : je vais faire en sorte que le Brexit ait lieu, qu’il ait lieu dans les temps. (…) Je vais négocier durement pour y parvenir. » Ces quelques mots, Theresa May, présente à Bruxelles, jeudi 7 février, pour tenter de sortir de l’impasse le divorce de son pays d’avec l’Union européenne (UE), aurait très bien pu les prononcer il y a quinze jours ou trois, six, voire vingt-quatre mois…

A cinquante jours du Brexit, la première ministre britannique voulait surtout donner le change, alors que les Européens campent sur leurs positions et refusent de renégocier un traité de retrait qu’elle avait elle-même endossé fin novembre 2018, mais que les députés, à la Chambre des communes, ont sèchement recalé.

Pas question, lui a répété Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, de détricoter la partie controversée concernant le « backstop » irlandais, destiné à éviter le retour d’une frontière dure, après le Brexit, entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.

Dans une nouvelle tentative pour faire voter l’accord à Westminster, Theresa May avait accepté, fin janvier, de soutenir un amendement de son camp conservateur visant à rediscuter les termes de ce filet de sécurité, jugé indispensable par les Vingt-Sept, car destiné à protéger les accords de paix nord-irlandais, et le marché intérieur de l’UE. « La discussion a été musclée, mais constructive », ont fait savoir M. Juncker et Mme May dans une déclaration commune, jeudi.

Les mêmes arguments répétés en boucle

« Le président Juncker souligne que l’accord de retrait ne sera pas rouvert. Il constitue un compromis équilibré entre l’UE et le Royaume-Uni, et les deux parties, pour y parvenir, ont fait des concessions significatives », a cru bon d’ajouter la Commission. Elle a certes fait savoir que des « discussions » entre Londres et Bruxelles allaient reprendre, mais M. Juncker ne s’est dit « ouvert » qu’à une renégociation de la déclaration politique – le document accompagnant l’accord de retrait et esquissant la « relation future » entre le Royaume-Uni et l’UE –, afin qu’elle soit plus « ambitieuse »sur le fond. Lui aussi répète les mêmes arguments en boucle

La vraie nouveauté des derniers jours, c’est le geste que Jeremy Corbyn a effectué en direction de Theresa May. Le leader des travaillistes lui a envoyé une lettre, mercredi 6 février, ébauchant un compromis à la Chambre des communes. Il propose que le Royaume-Uni reste dans l’union douanière européenne et soit« étroitement aligné » au marché unique. Il s’agirait d’un Brexit très « doux ».

Cette offre abandonne une condition que Jeremy Corbyn avait jusqu’alors imposée : que l’accord réplique « exactement les mêmes avantages » que ceux du marché unique. Cette condition aurait rendu illusoire tout compromis avec l’UE : impossible en effet d’accorder à un pays tiers exactement les mêmes avantages de cet espace économique sans frontières qu’à ses propres membres.

Un groupe d’élus centristes de différents partis a sauté sur l’occasion pour saluer le geste. « Cela nous rapproche d’un compromis entre les partis », estime Nick Boles, un député conservateur. « Politiquement, [l’annonce de M. Corbyn] est très significative », ajoute Lucy Powell, une députée travailliste. Selon elle, un tel compromis aurait « une majorité assez significative au Parlement ».

Jouer la montre (ou à la roulette russe)

L’avantage de la proposition de Jeremy Corbyn est qu’elle dédramatise le problème du « backstop ». Si le Royaume-Uni demeurait dans l’union douanière et s’alignait sur les règles du marché unique, cela résoudrait la question des contrôles des marchandises à la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. En conséquence, il serait bien moins probable qu’un « backstop » entre en vigueur, explique M. Corbyn dans sa lettre.

Trouver un compromis nécessiterait certes de renégocier la déclaration politique sur la relation future (pour l’instant, elle tient compte des lignes rouges de Theresa May : sortie du Royaume-Uni de l’union douanière et du marché intérieur). Mais les Européens y sont prêts.

Le geste de M. Corbyn est cependant à prendre avec précaution. Une alliance entre ce dernier et Theresa May diviserait profondément leurs partis respectifs. Les « Brexiters » durs hurleraient à la trahison, tandis que les travaillistes qui rêvent d’un second référendum accuseraient leur leader d’avoir facilité la sortie de l’UE. Rester dans le marché unique signifierait accepter la liberté de mouvement des personnes, alors même que le référendum a été gagné largement sur la promesse d’un contrôle de l’immigration.

Source: le Monde

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