jeu. Nov 26th, 2020

UNE NATION QUI LIT EST UNE NATION QUI GAGNE

Nos sœurs et frères Maliens se comportent-ils comme des enfants gâtés ?

Nos sœurs et frères Maliens se comportent-ils comme des enfants gâtés ?

Quitte à me montrer quelque peu incommodant avec certains, je crois qu’il serait juste de tenir un langage de vérité à nos frères Maliens.  » A bas la MINUSMA !  » par-ci ;  » Nous demandons le départ des militaires français  » par-là… L’on a même diffusé des vidéos pour inciter les Maliens à chasser les troupes internationales en les lapidant partout où on les croiserait.

Tous ces comportements témoignent d’une forme d’enfantillage et frise le ridicule. Faudrait-il rappeler à nos sœurs et frères Maliens que, s’ils avaient pu, par eux-mêmes, régler la révolte sécessionniste touarègue et bouter les djihadistes hors de leurs frontières, nul ne serait intervenu au Mali?

Et si toutes ces forces étrangères sont présentes au Mali, c’est bien à la demande des autorités maliennes, parce que le Mali ne dispose pas d’une armée capable, aujourd’hui, d’assurer la défense de son territoire face à des groupuscules déterminés, mieux équipés et éparpillés sur un vaste territoire. Alors sachons raison garder et, surtout, ne pas nous montrer ingrats.

A la vérité, si la France n’était pas intervenue le 11 Avril 2013 pour stopper la colonne djihadiste qui s’était emparée de la localité de Kona (centre du Mali) et se dirigeait vers Bamako, c’est tout le Mali qui serait aujourd’hui une république islamique avec à sa tête le terroriste Iyad ag Ghali.

La réalité c’est que si les troupes internationales pliaient bagage tout de suite, 48h après, Amadou Koufa (djihadistes du centre du Mali), Malam Dicko du Burkina et Iyad (le chef d’Alqaïda dans le sahel) dégusteraient leur méchoui et se feront servir du thé sous une tente installée dans les jardins du palais de Koulouba (palais présidentiel à Bamako).

Le Mali n’invente pas le monde et on a vu les conséquences, ailleurs, de certains actes irresponsables. En 1993, les groupes armés somaliens qui se combattaient se sont coalisés pour chasser les troupes d’interposition américaines.

Depuis 26 ans, il n’y a plus jamais eu d’Etat dans ce pays. Les autorités actuelles, malgré la présence des forces d’intervention de l’Union Africaine, n’arrivent même pas à assurer la sécurité du quartier administratif où sont retranchés l’essentiel des structures gouvernementales et diplomatiques. Récemment, en Centrafrique, les Français, lassés de toutes sortes d’accusations des principaux acteurs politiques locaux et de la population incitée à caillasser les troupes françaises, se sont retirés de ce pays. Depuis, le gouvernement Touadéra peine à ramener la quiétude, ne serait-ce que dans la capitale, Bangui.

Comme le disait mon ami feu Mohamed Lamine Traoré (éminent philosophe et homme politique malien),  » le Mali doit cesser de vivre à travers l’illusion de son histoire et de ce passé glorieux« , car il y a bien longtemps que ce pays n’est plus le creuset des meilleurs et des grands guerriers. Et si, pour une fois, l’on arrêtait cette autoglorification du  » Maliba » (le Grand Mali) et de  » dignes descendants de Soundjata Keita » et que l’on se montrait moins passionné et plus raisonné?

On veut modifier la Constitution pour prendre en compte des points de l’accord de paix ? Et voilà que le pays est au bord de l’embrasement, le gouvernement accusé de vouloir  » brader une partie du territoire  » aux ex-rebelles et à leurs  » alliés » Français. De vrais comportements d’enfants gâtés. Le Mali n’a pas aujourd’hui les moyens de se défendre et ce n’est donc pas à lui d’en imposer à qui que ce soit. Le Mali, à travers son gouvernement, a signé des engagements qu’il doit respecter. Au demeurant, voudrait-il revenir sur ses promesses qu’il ne le pourrait tout simplement pas, au risque de devoir subir le courroux de la communauté internationale…

Alors chers sœurs et frères Maliens, vous ne voulez pas de militaires français sur votre sol ? Il va falloir nous y habituer car c’est, aujourd’hui encore, un mal nécessaire. La présence des casques bleus vous agace ? Il faudrait  vous y faire, puisqu’ils sont néanmoins indispensables en l’état actuel de nos troupes. Nous nous plaignons souvent de ce que ces forces internationales ne nous protègent pas assez, du fait d’un engagement jugé, par certains, trop passif ? Au moins pourrions-nous démontrer un peu d’empathie quand on sait le nombre de Tchadiens, Guinéens, Burkinabés, etc, qui ont laissé leur vie au sein de la mission onusienne au Mali.

Ne donnons pas l’impression que nous sommes l’incarnation de l’ingratitude, incapables d’avoir de la reconnaissance à l’égard de ceux qui ont abandonné leur famille pour être à nos côtés dans ces moments difficiles. Le président de la République, IBK, rappelle d’ailleurs régulièrement la reconnaissance que doivent les Maliens à ces sœurs et frères au chevet d’un Mali convalescent, peut-être même toujours malade.

Soundjata, qui vainquit tous ses adversaires, c’était au 13e siècle. Nos soldats d’aujourd’hui ce ne sont peut-être pas des femmelettes (sans aucun sexisme), mais ils n’ont tout simplement pas encore assez d’armement et demeurent en sous-nombre pour contrôler un territoire de 1.200.000 km².

Si cela peut calmer quelque peu les Maliens, je voudrais rappeler que la France occupée par le régime nazi ne valait pas mieux que le Mali d’aujourd’hui. La France n’a jamais été associée à l’élaboration des plans du  » débarquement » des troupes alliées sur les côtes françaises.

Le général De Gaulle n’a été informé de cette opération pour libérer son pays que quelques jours avant, alors qu’elle était en préparation par les états-majors américains et britanniques depuis plusieurs mois. Autre couleuvre que le plus célèbre des généraux français a dû avaler, le discours qu’il a lu à ses compatriotes pour leur envoyer des messages, dont certains codés, au déclenchement du débarquement, a été rédigé par les Américains et lui a pratiquement été imposé.

Dernière humiliation pour l’homme d’Etat français qui l’invoque dans ses Mémoires : les tracts destinés à la population, largués par les avions alliés ne faisaient aucune référence à De Gaulle…Il n’était alors qu’une sorte de marionnette débarqué dans les bagages de la coalition conduite par les Américains et les Britanniques, qu’ils installeront à la tête de la France, n’en déplaise aux Français à qui on n’avait rien demandé.

En conclusion, un mauvais accord de paix vaut toujours mieux que le chaos qui pourrait conduire vers une somalisation du pays. Entre Alqaïda, CMA, GATIA, Ghanda Izo, MSA, etc., si les troupes internationales se retirent aujourd’hui, le pays serait livré à une myriade de seigneurs de guerre, souvent sans foi ni loi, régnant chacun sur son micro-territoire. Ce serait la fin du Mali. Comme conseille la sagesse: « baise la main que tu ne peux couper« .

*Ancien correspondant de la BBC au Mali

Source: l’Indépendant