Se préparer au pire

L’Opération Barkhane a pris fin hier. Elle cesse d’exister sous la forme qui a été la sienne depuis son lancement le 1er août 2014, en remplacement aux Opérations Serval et Epervier. La France ne se retire pas pour autant de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Elle continuera à y être présente à travers une force internationale qui prendra la relève de Barkhane, en apportant » appui, soutien, coordination aux armées locales « .
L’annonce de cette nouvelle par le président Emmanuel Macron a surpris. L’on s’attendait plutôt à ce qu’il fasse état d’une réduction des effectifs comme prévu dans la stratégie française du » désengagement progressif « . Paris n’ayant pas vocation à se maintenir indéfiniment dans le Sahel et à se substituer aux forces de défense et de sécurité de cette sous-région dans la lutte contre les groupes djihadistes constitués principalement du GSIM affilié à Al-Qaïda et l’EIGS. Comme cela a été dit et répété par ses officiels.
L’anticipation de la fin de l’Opération Barkhane tient en partie à l’épuisement des autorités de l’hexagone devant l’exacerbation du « sentiment anti-français » et la menace qu’il peut représenter pour les intérêts stratégiques de la France sur un continent qui pèse dans la qualité de vie de ses ressortissants et son rang dans le monde. L’effet corrosif de la propagande djihadiste fait de plus en plus apparaitre les forces françaises comme des forces d’occupation et non de protection des populations et de la démocratie. Et c’est plutôt un mauvais signe.
Mais la brusque disparition de cette initiative, qui est loin d’avoir démérité (elle a éliminé un grand nombre de chefs terroristes et affaibli considérablement le fléau) doit beaucoup aux errements des dirigeants maliens.
Lorsque Macron déclare : » Nous ne pouvons pas sécuriser des zones qui tombent dans l’anomie parce que les Etats ne prennent pas leur responsabilité » c’est à eux qu’il fait allusion. C’est aux forces locales (armée, gendarmerie, police) d’être présentes partout où le besoin de sécurité requiert leur intervention. C’est loin d’être le cas et c’est connu de tout le monde. Les localités maliennes et leurs habitants sont le plus souvent livrés à eux-mêmes et à la fureur de leurs bourreaux.
Quand le président français ajoute : » On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté, tuent nos enfants » on n’est plus dans l’allusion, mais dans l’accusation. Le dialogue prôné par Bamako confine à la félonie ou peu s’en faut et n’est pas acceptable.
En attendant la création de la force internationale annoncée, plutôt aléatoire au regard de l’expérience Takuba et de la dégradation de la situation politique au Mali, nos chefs militaires n’ont d’autre option que de se préparer au pire.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant