MINUSMA : chronique d’une mort annoncée

Les retraits des contingents du Royaume Uni, de la Côte d’Ivoire, de l’Allemagne de la MINUSMA, annoncés la semaine dernière, ont été précédés de celui de l’Égypte, survenu il y a un peu plus d’un trimestre. Ils sont la conséquence du départ des forces françaises du Mali, qui a atteint sa phase ultime le 15 août dernier. Le mouvement devrait s’amplifier et s’accélérer dans les semaines et mois à venir jusqu’à l’extinction de la mission onusienne à la faveur du non-renouvellement de son mandat en juin 2023.
La MINUSMA a été, en effet, conçue pour être l’interface de l’Opération Barkhane. Pendant que celle-ci, en articulation ou non avec l’armée malienne, traque les bandes djihadistes en privilégiant l’élimination de leurs chefs (une approche dans laquelle elle n’a pas peu mérité) celle-là s’évertue à consolider le processus de paix enclenché par l’Accord dit d’Alger, protéger et assister les populations civiles dans les zones de guerre, renforcer le système de sécurité, aider l’Etat à restaurer sa présence et son autorité, concourir au rétablissement des services sociaux de base, appuyer la réconciliation nationale, encourager le dialogue politique national. Une tâche énorme qu’elle ne peut accomplir en certains cas qu’avec le soutien aérien de Barkhane pour prévenir des attaques djihadistes ou, s’il y a lieu, procéder à l’évacuation de casques bleus blessés par hélicoptères vers des centres médicaux. Et pour cause: mission de paix, elle n’est pas habilitée ni équipée pour faire la guerre et a donc besoin d’être protégée elle-même par des forces appropriées. Aussi l’absence de Barkhane compromet-elle son maintien sauf alternative.
Cette alternative n’existe pas pour une bonne et simple raison : les pays occidentaux dotés des capacités militaires et financières pour mettre en place une force de substitution à Barkhane n’entendent pas le faire parce qu’ils ne sont pas dans la disposition d’évoluer sur un même théâtre d’opération que » les coopérants russes « , encore moins collaborer avec eux. Ils l’ont fait savoir par une déclaration commune en fin 2021 lorsque l’évent uvernement malien et le groupe Wagner » a été ébruitée. La Chine ? Troisième puissance militaire mondiale après les États-Unis d’Amérique et la Russie, elle est tout entière concentrée sur la récupération de l’île de Taïwan pour s’aventurer à plus de dix mille kilomètres de ses frontières, dans le désert malien.
A cette situation de fragilité extrême de la MINUSMA, déjà réputée être la mission de paix la plus meurtrière de l’ONU dans le monde avec 174 casques bleus tués (juin 2022) est venue se greffer le refus des autorités de Bamako, arguant des motifs de » souveraineté et de sécurité nationales « , de l’autoriser à mener des enquêtes indépendantes sur les accusations d’exactions contre des civils imputées à l’armée malienne et à ses « supplétifs blancs« . Ce qui constitue une entrave aux règles de fonctionnement des missions de paix onusiennes.
L’un dans l’autre, l’absence de protection aérienne et l’incapacité faite à la MINUSMA de mettre en œuvre le volet de sa mission relatif à la protection des droits de l’homme sont de nature à démotiver des pays contributeurs en hommes et en ressources financières. Le Mali éprouve déjà bien des difficultés à combler le vide laissé par le dispositif formé par Barkhane, l’Opération Takuba et la Force conjointe du G5-Sahel. Le partenariat noué avec la Russie tarde à tenir ses promesses. Il devient inquiétant alors que l’EIGS s’incruste dans une large partie du nord et que l’armée russe, en laquelle Bamako a fondé tous ses espoirs, recule irrésistiblement devant celle de l’Ukraine, allant jusqu’à céder sans combat Kherson, annexée à grande pompe quelques semaines auparavant. Une désagrégation dans ces conditions de la MINUSMA confinerait à la catastrophe, eu égard à la place considérable qu’elle occupe dans la stabilisation du pays.
La seule issue qui reste à nos autorités, c’est de travailler dur et ferme pour que le Mali retrouve aussi vite que possible la normalité constitutionnelle et se réconcilie avec tous ses partenaires, de quelque bord qu’ils soient, pour relever les défis multiples auxquels il est confronté.
Saouti HAIDARA
Source: L’Indépendant