La Transition malienne entre attrait fédéraliste, sanctions communautaires et « enquête indépendante »

Dans un contexte différent, l’idée d’une fédération entre le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, portée avec vigueur par le premier ministre burkinabè, Appolinaire Joachim Kielem de Tambola, eût rallié tous les suffrages. Quoi de plus normal, en effet, que des pays liés par la géographie, l’histoire, à bien des égards l’économie, décident de mutualiser les atouts qu’ils ont en partage pour construire leur sécurité, leur croissance, pourquoi pas leur prospérité collective. Ce serait tout simplement emboîter le pas à leurs illustrés devanciers que furent Modibo Keita, Sékou Touré, Thomas Sankara, qui ont fait don de leur vie pour l’unité et la grandeur de l’Afrique.
Seulement voilà : cet élan de renouveau panafricaniste se fait jour alors que chacun des trois États concernés est dirigé par des militaires putschistes, sous étroite surveillance de la CEDEAO, de l’UEMOA, de l’UA, au-delà de la quasi-totalité de la communauté internationale, qui les pressent d’organiser des élections générales pour rendre le pouvoir aux civils dans un délai de moins de deux ans. Un timing qu’ils sont soupçonnés de ne pas vouloir respecter, se barricadant derrière des contraintes de divers ordres, sécuritaires principalement pour ce qui concerne le Mali et le Burkina Faso. S’agissant de la Guinée, ses autorités intérimaires invoquent surtout des difficultés liées à des réformes à conduire ou de nature technique.
Du coup, le dessein fédéraliste, qui a fait l’objet d’une première rencontre à trois à Ouagadougou, la semaine dernière, apparaît comme une parade à d’éventuelles sanctions économiques et financières conjointes de la CEDEAO et l’UEMOA, voire une alternative à un possible retrait de ces deux organisations sous-régionales si les engagements électoraux n’étaient pas tenus dans les trois États. Une éventualité d’autant plus crédible que Appolinaire Joachim Kielem de Tambola, porte- flambeau de la cause, proclamait au sortir des échanges de la capitale burkinabè : « Il faut qu’on se dise les choses clairement. La CEDEAO a été créée en 1975. Nos pays ont vécu avant 1975. Ce qui veut dire qu’ils peuvent vivre sans la CEDEAO. Nous souhaitons vivre avec la CEDEAO mais si elle veut nous empêcher de nous réaliser, nous mènerons notre chemin« . A quoi a rétorqué le 2ème Vice- président de la CEDEAO, le Nigérien Sani Salam Chaibou : » La fédération, on ne va pas vous la laisser faire. Nous sommes à quinze, nous resterons unis à quinze. C’est un problème de concertation, de consultation et de compréhension« . Une mise en garde qui ne devrait pas être prise à la légère. Pour ce qu’il est du Mali, de nouvelles sanctions économiques et financières, couplées de la CEDEAO et de l’UEMOA, seraient ruineuses pour son économie qui peine à se remettre de celles, longues et douloureuses, du premier semestre de 2022 et mortifères pour ses populations appauvries, en proie à une impécuniosité aiguë face à une flambée incontrôlable des prix des denrées de première nécessité. Les autorités de la Transition ne peuvent ignorer au surplus que même attelée au char de la Russie, la future fédération poserait probablement plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait dans une conjoncture internationale livrée au chaos, à la précarité et à l’imprévisibilité. Enfin elles gagneraient à faire preuve de plus de conciliation et de pondération au moment où des experts Onusiens ressortent la menace » d’enquête indépendante » contre les FAMA pour » crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » qui auraient pour théâtre le Centre du Mali.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant