Il n’y a pas d’alternative aux élections et à la démocratie

En application de l’article 148 de la loi électorale du 24 juin 2022, le collège électoral pour la consultation référendaire prévue le 19 mars prochain, devait être convoqué le 17 février dernier. Il ne l’a pas été et, dix jours après, le gouvernement observe sur cette défaillance un mutisme total. Comme s’il ne se sentait lié par une obligation d’aucune sorte vis à vis du peuple des électeurs, il n’a fourni aucune explication sur ce premier couac dans la gestion du calendrier électoral, laissant la porte ouverte à toutes les supputations et conjectures.
Ainsi la présidente de la Coalition pour l’Observation Citoyenne des Élections au Mali (COCEM), ancienne ministre sous la phase 1 de la Transition, la pondérée Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, première personnalité publique à alerter sur ce manquement des autorités de la place, a-t-elle proposé un renvoi du référendum au 25 juin de l’année en cours. Un recul de trois mois qui devrait être mis à profit pour « diligenter l’actualisation du chronogramme des réformes et des élections en concertation avec l’ensemble des acteurs du processus électoral » et réaliser les nombreuses tâches en souffrance, qui se déclinent comme suit : « adoption de la loi portant modification de la loi électorale ; mise en place des coordinations de l’Agence Indépendante de Gestion des Élections (AIGE); finalisation de l’ actualisation du fichier électoral en tenant compte du nouveau découpage territorial ; confection et distribution de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée (seul document de vote autorisé); parachèvement du processus de réorganisation territoriale; finalisation et vulgarisation du projet de nouvelle Constitution. »
Moins optimiste, le Pr Mamadou Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la Corruption et le Chômage (PCC), pourfendeur en diable de la Transition, jure ses grands dieux qu’au regard du degré d’impréparation combiné au temps matériel restant, le scrutin référendaire ne se tiendra pas à l’échéance prévue, pas plus que les autres programmés et que, par voie de conséquence, le pays va tout droit vers une nouvelle prorogation de la Transition, la deuxième après celle de mars 2022.
Dès lors la question qui taraude les esprits est de savoir si la menace qui pèse sur le processus électoral procède d’un manque de volonté politique, d’une incompétence avérée des autorités en charge du dossier ou, ce qui serait pire, les deux à la fois. Pour rappel, lors de sa comparution orageuse devant le Conseil National de la Transition (CNT), le 21 avril 2022, Choguel Maïga, poussé dans les cordes sur les lenteurs constatées dans la mise au point d’un chronogramme électoral consensuel avec la CEDEAO, avait déroulé une liste de conditions à satisfaire avant la tenue des élections et esquissé les grandes lignes d’un calendrier exécutoire sur 24 mois. Le parachèvement de la réorganisation territoriale y figurait en bonne place et l’on peut s’étonner de ce que le gouvernement ait attendu le 15 février dernier, avant-veille de la date prévue pour la convocation du collège électoral relatif au référendum (17 février) pour déposer des projets de loi dans ce sens auprès du CNT, préalablement convoqué en session spéciale, qui ne les adoptera que le 20 février. Avec donc trois jours de retard et, faits importants à noter, le jour même de l’arrivée à Bamako du médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan et au lendemain du maintien par cette Organisation sous-régionale de ses sanctions contre le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, les trois États en rupture avec ses textes fondateurs.
Une certitude : le Mali n’a rien à gagner en s’enlisant dans une démarche de retardement voire d’ajournement sine die des élections. Elle lui attirerait des sanctions bien plus sévères que celles subies tout un semestre en 2022. Et, cette fois-ci, elles pourraient être orientées vers ses plus hauts dirigeants. En revanche le pays aurait tout à gagner en tenant ses engagements, nationaux et internationaux, de tenir les élections dans le délai supplémentaire de deux ans qui s’achève en février 2024. Il ouvrirait une nouvelle page de renouveau politique (notamment par la mise en place d’institutions légales et fortes de l’adhésion de tous) de paix civile, de réconciliation nationale. Il retrouverait sa place dans la communauté des nations avec des bénéfices certains pour sa sécurité, l’essor de son économie, le bien-être de sa population dans toutes ses composantes. Dans le monde actuel il n’y a pas d’alternative aux élections et à la démocratie. Sauf à prendre pour modèle l’Érythrée ou la Corée du Nord.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant